CONVICTIONS

CONVICTIONS

Affaire TALON : Le véritable dossier.

Par André QUENUM (Editorial du 06 décembre 2013 in www.lacroixdubenin.com)

Depuis des lustres, de nombreuses affaires opposent directement le président Boni Yayi et l’homme d’affaire béninois Patrice Talon. Les affaires et dossiers qui opposent les deux amis d’hier sont aussi complexes que graves et ont empoisonné tous les domaines de la vie publique. Les accusations de tentatives d’empoisonnement du Chef de l’Etat et de coup d’Etat se sont ajoutées aux dossiers de PVI, du Coton et du Contrôle du pouvoir au-delà de 2016. Mais le véritable dossier, le dossier le plus grave est en arrière fond de chacune de ces affaires. Il est comme le véritable fil d’Ariane de tous ces scandales.

Le véritable dossier, c’est le refus entêté de garder un minimum de respect pour les règles et les procédures en matières économiques et juridiques, et en toutes autres matières. Les exemples sont nombreux. Pour en donner un qui remonte à la période où Talon et Yayi étaient des amis, le président de la République lui-même a reconnu après coup n’avoir même pas lu le contrat du PVI avant de le signer ! On sait tout ce qui a été fait pour forcer l’application de ce contrat. Et on a vu de quelle façon ce contrat a été annulé et on voit tout ce qui se fait pour réorganiser le contrôle des importations. Soit! Mais quand on a pu se tromper ainsi, s’il s’agissait d’erreur effectivement, on peut et on se doit de ne plus se laisser prendre à défaut.

Or, ce qui explique l’actuel rejet d’extradition de Patrice Talon et d’Olivier Bocco par Paris, et le risque de difficilement voir clair dans ces affaires de tentatives d’empoisonnement et de coup d’Etat, c’est le manque de méthode et de sérieux dans la conduite des enquêtes et des procédures judiciaires. On ne se remettra jamais de l’idée que le ministre de l’intérieur d’alors a même parlé de drones au Bénin. Les mains gantées du commissaire central de Cotonou ont montré des éléments prétendus radioactifs. Les officiels, les griots et autres religieux ont commencé par agiter l’opinion publique comme s’il y avait plus un besoin de satisfaction psychologique que d’un véritable verdict de la justice.

Si, même dans le cas de la protection de la vie du chef de l’Etat, on ne peut pas respecter les procédures, alors que nous reste-t-il ? Le véritable dossier, c’est le manque de respect des règles et procédures. Que l’arbre ne cache pas la forêt !

Or, ce qui explique l’actuel rejet d’extradition de Patrice Talon et d’Olivier Bocco par Paris, et le risque de difficilement voir clair dans ces affaires de tentatives d’empoisonnement et de coup d’Etat, c’est le manque de méthode et de sérieux dans la conduite des enquêtes et des procédures judiciaires. On ne se remettra jamais de l’idée que le ministre de l’intérieur d’alors a même parlé de drones au Bénin. Les mains gantées du commissaire central de Cotonou ont montré des éléments prétendus radioactifs. Les officiels, les griots et autres religieux ont commencé par agiter l’opinion publique comme s’il y avait plus un besoin de satisfaction psychologique que d’un véritable verdict de la justice.

Si, même dans le cas de la protection de la vie du chef de l’Etat, on ne peut pas respecter les procédures, alors que nous reste-t-il ? Le véritable dossier, c’est le manque de respect des règles et procédures. Que l’arbre ne cache pas la forêt !

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11/11/2015
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2e jour du Procès affaire Dangnivo: «Toute cette affaire est du théâtre», selon l’accusé principal Alofa

Deuxième journée du procès de l’affaire Dangnivo, hier mardi 10 novembre, l’ambiance spéciale ayant prévalu dans le prétoire une semaine plus tôt, est remise. Même dispositif de sécurité autour des accusés. Le prétoire est à nouveau rempli. La Cour d’appel de Cotonou a prévu le débordement de la salle et a installé du matériel de sonorisation hors du prétoire afin que ceux qui n’y ont pas accès, suivent en temps réel les débats. Ceux-ci sont conduits par le président Félix Dossa, président de la Cour d’appel de Cotonou. Il est assisté de Saturnin Avognon et Jacques Hounsou (assesseurs) et des jurés Davidé Rose Gayon, Adéyèmi Pierre Olihidé, Oladakpô Allabi, Akodé Maurice Bènou (titulaires), et Kokou Akododja, Marie-Marguerite Nouhoumon (suppléants). Dans le fauteuil du ministère public, Gilles Sodonon, le procureur général près la Cour d’appel de Cotonou. Et comme greffier d’audience, Me Christophe Tchéou. Pour la défense, la partie civile et les témoins cités, de nombreux avocats sont mobilisés. Codjo Cossi Alofa, guérisseur traditionnel, accusé du crime d’assassinat sur la personne de Pierre Urbain Dangnivo, disparu depuis le 17 août 2010, est en détention préventive depuis le 5 octobre 2010. Donatien Amoussou, agent convoyeur de fonds à la SAGAM, poursuivi pour complicité du même crime est, lui, détenu depuis le 11 octobre 2010.

L’audience s’ouvre à 9h05. Le président Félix Dossa informe les avocats de la défense et de la partie civile que les témoins qu’ils ont sollicités, ont été bien convoqués. Il s’agit de Dr Clément Padonou, Anatole Lalèyè, Dr Justin Dèhoumon, Laurent Mètognon, Sévérin Koumasségbo, sergent chef Issa, colonel Tétédé, Richard Dégbey, Robert Gbian, Cocouvi Amoussou, commandant Enock Laourou, commissaire Darius Lèkossa, Valentin Kouagou, Firmin Boko, etc. A l’évocation des noms, certains sont omis. Me Joseph Djogbénou et Me Théodore Zinflou le signalent à la cour qui se rattrape. 

Une dizaine d’autres témoins sont convoqués par le ministère public. Des témoins dont la plupart sont présents et sont assistés par des avocats. Ceux-ci procèdent à leur constitution devant la cour. Me Joseph Djogbénou fait observer que cela devrait intervenir une fois que les jurés sont désignés et installés. Me Elie Vlavonou pense le contraire. La cour reçoit la constitution des nombreux avocats des témoins. Pendant ce temps, les accusés se tiennent sur le banc à eux destiné. Un gendarme leur passe les gilets de la prison civile -jusque-là omis- qu’ils enfilent promptement. Après le remue-ménage provoqué devant la cour par le défilé des avocats des témoins, les jurés sont tirés au sort. Quelques-uns sont récusés, dont Espérance Jean Azagoun qui se retourne, adresse un sourire aux avocats de la défense qui venaient de l’éconduire. Attitude qui arrache des rires au prétoire. La cour est définitivement constituée. Les choses sérieuses peuvent commencer. Les témoins présents sont isolés du prétoire. Mais avant, Me Elie Vlavonou invite la cour à confirmer la constitution d’avocats pour leur cause. Joseph Djogbénou raille que « tout rentre dans l’ordre maintenant ». Sourires dans le prétoire. S’ensuivent les constitutions de parties civiles. Et quelque taquinerie de Joseph Djogbénou à l’endroit de Gilles Sodonon dont il dit être intéressé par les « concertations avec la cour ». Lequel lui demande de ne pas s’offusquer car il ne faisait que signaler à la cour qu’il lui a semblé qu’un expert est présent dans le prétoire. C’est le Dr Anatole Padonou. Puis, alors que le président allait ordonner lecture du dispositif de l’arrêt de renvoi, Me Théodore Zinflou lui fait observer que l’isolation des témoins n’est pas nécessaire si les haut-parleurs installés hors du prétoire permettent de suivre les débats de loin.

Les faits

Présentés par le président Félix Dossa, les faits font état de ce que: «Dans la nuit du 17 août 2010, Pierre Urbain Dangnivo, cadre du ministère des Finances et de l’Economie est porté disparu à bord du véhicule AUDI 80, immatriculé 2223 RB de couleur blanche, après son passage aux environs de 21h chez sa deuxième épouse Anne Cakpo résidant à la cité Houéyiho. L’analyse des relevés des appels téléphoniques du disparu a permis d’orienter les investigations vers certaines personnes dont Codjo Cossi Alofa. Interpellé, celui-ci reconnaît avoir été souvent en liaisons téléphoniques et physiques avec Pierre Urbain Dangnivo qui l’a sollicité pour des fins occultes en sa qualité de charlatan. Il a fini par reconnaître avoir tué Pierre Urbain Dangnivo chez lui à Womey, en lui faisant ingurgiter en lieu et place d’une potion censée le protéger, un somnifère fourni par le nommé Donatien Amoussou dit Dona de concert avec un repris de justice du nom de Isidore Akon actuellement en fuite. Ils ont prélevé sur le corps certains organes. D’autres personnes impliquées dans la procédure ont bénéficié d’un non lieu. Seuls Codjo Cossi Alofa et Donatien Amoussou ont été renvoyés devant la Cour d’assises. Il ressort de l’examen médico-psychiatrique et psychologique des accusés, qu’ils ne présentent pas au moment des faits des signes de démence ni des anomalies mentales. Les enquêtes de moralité effectuées sur les accusés, ne leur sont pas favorables. Le bulletin N°1 du casier judiciaire des accusés ne portent trace d’aucune condamnation. »

« C’est du théâtre ! »

Il est 10h04 quand Codjo Cossi Alofa, vêtu du même maillot rouge à parements blancs que la semaine dernière, mais cette fois-ci sur un pantalon jeans bleu, se présente à la barre. Il promène son regard sur les membres de la cour. Le président Félix Dossa exhorte les interprètes à faire une traduction fidèle des propos de l’accusé. Codjo Cossi Alofa décline son identité d’une voix audible et posée. Il se tient bien droit à la barre. C’est un jeune homme athlétique. Quand la cour de céans lui rappelle la cause de sa présence devant elle, il ne reconnaît pas les faits. Murmures dans le prétoire. On lui dit que les faits sont punis par le Code de procédure pénale. Il répond : « Je ne peux pas être puni car rien ne s’est produit comme relaté. Toute cette affaire est du théâtre. On m’y a impliqué. Mais si j’avais su que les choses se passeraient ainsi, je n’aurais pas accepté.» Il poursuit qu’étant sortis de prison quelque temps, son ami Polo (un Nigérian) et lui, Isidore son codétenu de l’époque étant resté à la maison, ont décidé d’aller voler une moto dans la nuit de ce 16 août 2010. L’opération eut lieu et ils furent poursuivis par la foule. Durant leur fuite, Polo s’en allant avec la moto volée, lui Alofa conduisant celle d’Isidore avec laquelle ils ont fait le coup, aurait eu une panne sèche. Il aurait pu être lynché. C’est là, dans la foulée que quelqu’un, se présentant comme un commissaire, l’a récupéré, et lui a réclamé ses portables. Puis le lendemain, l’a pris du commissariat de Godomey pour le conduire dans un autre à Akpakpa qu’il ne connaissait pas. Codjo Cossi Alofa développe que tout le temps passé sur place, le commissaire se servait de son portable pour soit disant, joindre son complice nigérian. Bien plus tard, il a été dans un dispositif de la police au Hall des arts, avant d’être conduit dans un immeuble dans la rue de la pharmacie Camp Guézo. Sur place, il dit ne pas savoir ce que ce commissaire et les agents se sont dit avant qu’on le fît monter pour le prendre en photo. « Quelques jours plus tard, poursuit encore Alofa, j’ai été ramené à Godomey et après, j’ai été appelé par le régisseur qui m’a recommandé de faire un travail avec la police. Surpris, j’ai dit que je ne suis pas policier… Le commissaire Alédji, intervenu plus tard, m’a affublé des titres de braqueur, d’assassin… Conduit à la brigade de recherche vers Ganhi, il m’a été demandé si je connaissais le sieur Dangnivo… J’ai été ligoté, roué de coups, botté, et un agent m’a tiré entre les jambes pour m’effrayer. Ils m’ont dit que si je n’avouais pas les faits, je serais tué ou lesté d’une pierre puis jeté dans la mer… Ce même commissaire m’a dit que ce qu’il n’avait pas fait dans le cadre de l’affaire Hamani Tidjani et dont on l’a soupçonné, il le ferait maintenant avec moi, étant à deux ans de la retraite… Ramené au commissariat où était le nommé Alédji, j’ai à nouveau subi une torture morale de leur part, avec leurs armes. J’ai compris que ces gens-là me préparaient un coup. Plus tard, le dimanche 26 septembre, ils me demandent comment il se fait que le corps de Dangnivo se retrouve dans mon arrière cour, et pourquoi le livret de bord de son véhicule ainsi que son portable zékédé se retrouvaient dans un hôtel à Maro militaire… Un policier qui s’est présenté comme Jean Aladé, m’a entrepris, m’a convaincu que les numéros de Dangnivo se retrouvaient sur mon portable, que mes amis Polo et Isidore ont déjà reconnu les faits et tout mis à ma charge, et que je n’avais qu’à accepter ce qu’on me reproche, pour ensuite être sorti de cause du vol de moto en même temps que je gagnerais beaucoup d’argent. Et que je devais déclarer que Dangnivo est allé me voir pour demander de tuer des gens… Ils m’ont donc dit qu’ils me conduiront où le corps est enterré. Face aux menaces que je subissais de leur part, je me suis dit qu’en cas de refus, ces gens-là pouvaient me liquider. Mais j’ai demandé à réfléchir. Ils m’ont donc enfermé seul dans une cellule. Après, ils ont élaboré des versions avec moi, suite à mes questions. C’est ainsi qu’ils m’ont suggéré de déclarer que c’est d’autres personnes qui m’ont recommandé de le tuer. Notamment dada Gbèzé de Ouidah que j’avais connu depuis 2008 et qui m’avait demandé de lui confectionner un fétiche. Ce que nous n’avions plus fait… Il fallait l’impliquer, m’ont-ils dit, parce que simple chef traditionnel, il se serait proclamé roi de Ouidah et pourrait ainsi, un jour, se proclamer aussi chef de l’Etat… Puis ils m’ont fait consommer une boisson censée me libérer de mes peurs, m’ont promis beaucoup d’argent (25 millions) et m’ont dit que le corps de Dangnivo était déjà enterré chez moi. Ils m’ont alors conduit chez moi, m’ont indiqué un endroit dans mon arrière-cour et sur la base de ce dont nous avions convenu, j’ai accepté. Ils m’ont ensuite demandé de reconnaître les faits devant un certain Cocou Sèmègan qui serait le chef de tous les policiers du Bénin, de même que face à un certain Grégoire Akoffodji (il prononce Koffodji) qui serait ministre de la Justice. Ce dernier était en tenue de sport et on me fit comprendre qu’il revenait du sport et que c’est pour moi, que toutes ces personnalités sont mobilisées. Je précise que j’avais déjà passé plus de quarante jours entre leurs mains. Ils m’ont garanti qu’après avoir reconnu les faits, je ne passerais pas plus de trois mois en prison, que j’aurais un bon avocat, l’avocat de monsieur Dègbo… Ne voyant plus rien venir, j’ai demandé à rencontrer un juge et ai raconté la vérité à ce dernier, en lui révélant que c’est le policier Aladé qui m’a conditionné pour me faire admettre leur version des faits… »

Quid de l’évasion de la prison de Missérété ?

Codjo Cossi Alofa jure qu’il n’a jamais essayé de s’évader, pas plus qu’il ne s’est évadé réellement. « C’est, développe-t-il, au matin du 4 février 2015, qu’au chant du coq, j’ai été réveillé sous prétexte qu’on m’emmenait au parquet. J’en ai été étonné puisqu’habituellement, on nous prévenait la veille. Ceux qui sont allés me chercher m’ont mis une cagoule et introduit dans une voiture. J’ai remarqué que ce n’était pas le véhicule utilisé d’ordinaire pour nous conduire au parquet, de même que la distance me paraissait étrangement longue. C’était une petite voiture climatisée. Puis, un des éléments m’a demandé dans quel pays je souhaiterais m’installer si le juge me libérait et j’ai répondu au Togo… Lorsqu’ils m’ont retiré la cagoule, j’ai remarqué qu’on était à la frontière d’Hilla-Condji. Ils m’ont alors expliqué qu’ils sont les agents de celui qui avait promis de me tirer de situation, si je reconnaissais les faits, et que c’est lui qui tenait ainsi parole. M’ayant descendu là, ils m’ont remis une somme de 50 000 F CFA et dit que si je revenais encore au Bénin et qu’on me retrouvait, ce serait mon problème… » Quand il arrête son récit, le prétoire est glacé, soupirs et murmures s’élèvent.
Pourtant le 5 octobre 2010, devant le juge où il n’y a pas de menaces, il reconnaissait les faits, lui rappelle le président. Alofa acquiesce mais réitère que c’est la version qu’on lui a concoctée en l’assurant même que le juge était dans l’économie des choses. Et qu’il n’avait simplement qu’à reconnaître les faits. « Comment et pourquoi prendre la responsabilité d’assumer un meurtre ? Combien avez-vous reçu pour le tuer ? », lui lance la cour. « Je ne connais même pas qui on appelle Dangnivo. Ils m’ont promis 25 millions si j’acceptais de porter la responsabilité. Moi j’étais en prison quand ils ont mis le corps chez moi. Ils m’ont même dit que des parties de son corps ont été arrachées et que je devais également reconnaître cela. Vous devez poser la question à ceux-là… » « Mais pourquoi avez-vous essayé de vous évader ? », interroge encore la cour. « Moi je ne me suis pas évadé. Au petit matin de ce 4 février, on m’a réveillé en disant qu’on allait au parquet. Ils ont dit que je me suis évadé à l’aide d’une corde passée par-dessus le mur. Monsieur le président, comment aurais-je pu sortir seul de la cellule où nous sommes 25, traverser toute la cour de la prison avec 13 portails et passer une corde qui au lieu de se retrouver à l’intérieur, se trouve en dehors de la prison ?... » Des démonstrations faites dans le calme et avec une conviction apparente, qui font soupirer ou sourire le public. « Mais comment se fait-il que les numéros de Dangnivo se sont retrouvés sur votre portable?», lui assène la cour. « Cela, c’est au commissaire qui a pris mes portables et les a gardés par devers lui que vous devriez le demander», suggère l’accusé. « Et comment êtes-vous rentré au Bénin après votre escapade au Togo?», cherche à comprendre la cour. «  Etant né au Bénin, je me disais bien qu’en me larguant comme ils l’ont fait, les agents voulaient m’éloigner définitivement de mon pays. Je me suis donc mis en devoir d’appeler mes proches, ma femme. C’est là que j’ai appris qu’on me recherchait. Et mes parents m’ont indiqué le numéro ouvert et dédié à ma recherche. C’est moi-même qui ai appelé ce numéro et ils sont allés me chercher dans le village où j’étais pour me ramener au Bénin.»

Dénégation ?

Cette version des faits, il en faut plus pour convaincre le ministère public. Gilles Sodonon demande à l’accusé de ne pas faire du « théâtre » à son tour. Et lui signale que c’est le 23 août et non le 17 que le vol de moto a eu lieu. Alofa assure que non. Selon lui, c’est bien dans la nuit du 16 août que le vol a eu lieu. Il affirme avoir été gardé longtemps dans les locaux du commissariat de celui qui l’a récupéré, avant d’être présenté au procureur. Il dit savoir qu’une fois appréhendé, il aurait dû « être présenté, être libéré après 48h, à moins d’être présenté au juge pour prorogation de la garde à vue. Et il faut donc demander à ce commissaire pourquoi il ne m’a pas présenté au procureur dans les délais… C’est lui qui après m’avoir laissé au commissariat de Godomey dans la nuit, est revenu me prendre le lendemain matin dans sa voiture, pour me conduire à son service à Akpakpa où il m’a gardé et me donnait à manger, sans rien me demander…»

Me Zinflou intervient pour demander à son client de bien faire face à la cour quand il dépose, et non de fixer l’avocat général. Le président le prend mal. « Vous pouvez user de votre imperium et me vider du prétoire si vous le souhaitez M. le président. Même à cette étape, mon office aurait été déjà accompli », rétorque l’avocat.
« Pensez-vous que les opérateurs GSM peuvent faire en sorte que des numéros que vous n’avez pas composés, s’affichent sur l’écran de votre portable ? Autrement, comment le numéro de Dangnivo s’est-il retrouvé sur votre portable ? », veut savoir l’avocat général. « C’est au commissaire qui a gardé mes portables durant des jours, que vous devez poser cette question », répond l’accusé. Applaudissements dans la salle. Le président de céans réclame le silence. « En supposant que cette version soit vraie, enchaîne l’avocat général, alors que vous étiez en liberté, comment se fait-il que Dangnivo que vous dites ne pas connaître, vous ait appelé 4 fois dans la journée du 13 août, 3 fois le 14 et que vous-même l’ayez appelé le 16 août ? » « C’est au commissaire qu’il faut poser cette question » oppose l’accusé. L’avocat général considère que l’accusé donne dans la dénégation absolue et s’étonne que lui, voleur, bénéficie d’une « balade de santé », entre divers endroits (Akpakpa, Hall des Arts, Derrière pharmacie camp Guézo). Me Djogbénou s’offusque de ce «commentaire tendancieux».

Des influences en haut lieu?

Quand la partie civile va intervenir, alors que l’accusé dépose depuis deux heures de temps, Me Joseph Djogbénou lui fait savoir, qu’il a le droit de demander à s’asseoir s’il est fatigué, à boire, si l’envie lui prend et d’exprimer quelque autre besoin. Il demande effectivement à s’asseoir. On lui donne une chaise. Maîtres Brice Houssou, Nicolin Assogba et Olga Anassidé se lancent. Puisqu’il dit avoir été cuisiné par des policiers et autres individus, l’accusé serait-il en mesure de reconnaître ceux-ci ? «Oui, promet-il, assurant avoir reconnu M. Lucien Dègbo ainsi que le commissaire qui lui a pris ses portables. C’est le sieur Dègbo, déclare-t-il, qui lui servait la boisson censée le guérir de ses peurs, et lui disait qu’un prisonnier restera toujours un prisonnier…» Mais pourquoi, donne-t-il aujourd’hui une version totalement différente de celle jusqu’ici servie ? « Ici, je sais que c’est différent des autres endroits où je suis passé, où parfois on m’enfermait dans une salle, seul avec celui qui m’interrogeait, et alors que je voyais parfois avant d’y entrer, les personnes qui me menaçaient», fait savoir l’accusé. Peut-il rappeler ce qui s’est passé au Hall des Arts ? Il explique y avoir été conduit dans la voiture du commissaire Lèkossa, lequel a rencontré sur place d’autres personnes avant de le conduire derrière la pharmacie Camp Guézo… Le domicile de Womey où on a retrouvé le corps supposé de Dangnivo; est-il sa propriété ou le loue-t-il ? Il répond qu’il le loue et qu’il a des voisins. La partie civile en déduit que s’il avait commis ces faits, et enterré un corps, les voisins auraient donc bien pu s’en apercevoir. Sans oublier de faire observer que les locaux derrière la pharmacie Camp Guézo dont parle l’accusé, sont probablement ceux d’un service rattaché à la présidence de la République, mais qu’ils ne nomment pas.

La date du vol de moto, un détail qui pourrait tout changer

A Me Théodore Zinflou, commis d’office aux intérêts de Codjo Cossi Alofa d’y aller de ses interrogations. Auxquelles l’accusé répond que c’est bien dans la nuit du 16 août que le vol de moto a eu lieu. Que celui qui se présentait comme commissaire, l’a d’abord conduit dans une maison présentée comme celle du délégué du quartier, avant de le délaisser au commissariat de Godomey, puis de revenir le chercher le lendemain… Puis Me Zinflou révèle que d’après un procès-verbal du tribunal de Calavi, joint au dossier, c’est effectivement, d’après la main courante du commissariat de Godomey, le 16 août que le vol de moto est intervenu et que, par conséquent, l’accusé était déjà aux mains de la police et n’a donc pu, valablement, commettre un meurtre sur la personne de Dangnivo si celui-ci est effectivement décédé. Le prétoire vibre de murmures. L’avocat général intervient pour prier la cour de ne pas se laisser induire en erreur car le procès-verbal relatif au vol de moto est bien du 23 août. Faux, réagit vivement Me Zinflou qui se garde, en l’état, de dévoiler son explication de cette « manipulation faite exprès » et considère que ce procès-verbal du 16 août en lui seul met hors de cause l’accusé.
Me Magloire Yansunnu, avocat de Donatien Amoussou veut, pour sa part, comprendre, qui a identifié son client comme complice. Et le président de la cour de céans s’étonne d’ailleurs que nulle part, dans la procédure, Alofa n’ait fait cas de celui-ci. Il répond que c’est le commissaire Alédji qui le lui a recommandé avec l’idée que c’est lui qui aurait procuré du somnifère, sous prétexte que l’intéressé « parle trop ».

« C’est un montage »

C’est au tour de Donatien Amoussou d’être entendu par la cour. Dans sa même tenue traditionnelle ‘’bohoumba’’ surmontée du gilet bleu de la prison civile, cet ancien militaire se porte à la barre et prie la cour de l’écouter avec patience. Il raconte que c’est un ami camerounais Priso qui lui a dit -alors que l’affaire Dangnivo défrayait la chronique- avoir vu un véhicule dans un hôtel où l’attitude des gens autour, ne semblait pas « claire ». Lui Donatien en aurait parlé à son frère aîné qui, à son tour, en a parlé à Pierre Akpaki alors DG/ORTB. Celui-ci en aurait informé d’autres et ils sont allés, plus tard voir le colonel Koumasségbo à la présidence de la République. En fait, c’est Paul, le « Polo » dont parlait Alofa et que lui Donatien connaît bien, que Priso aurait été voir à l’hôtel… Ce colonel, plus tard, l’aurait sollicité pour aller déposer un téléphone zékédé au siège de radio Océan FM après lui avoir fait promettre « confiance et secret ». Il devrait y aller seul, mais lui dit avoir appelé son ami Priso pour l’y accompagner. Ce dont il dit avoir aussitôt informé le colonel par téléphone ; lequel n’aurait pas apprécié. S’étant inquiété dès que la rumeur a commencé à circulé au sujet d’un portable de Dangnivo retrouvé, il aurait appelé le colonel qui l’a assuré de ce qu’il serait protégé, et bien récompensé. Il évoque une somme de 250 millions de F CFA… Donatien raconte ensuite que dès lors, son ami Priso a failli être tué puisque des éléments inconnus se seraient portés chez lui en pleine nuit. C’est une histoire poignante que raconte encore Donatien.
Il dit avoir passé deux ans neuf mois en cellule sans voir le soleil, avoir été proprement tabassé. Le nommé Enock Laourou lui aurait posé la godasse sur la tête pendant plusieurs minutes. Il aurait été transporté dans la malle arrière du véhicule d’un des acteurs. Plus tard, il aurait été confié à un agent qui, le conduisant à travers le Camp Guézo, lui aurait proposé de s’enfuir, en libérant un de ses bras de la menotte. Ayant flairé qu’on voulait peut-être en profiter pour l’abattre, il aurait, ancien militaire lui-même, refusé, bousculé l’intéressé qui avait un problème au pied, avant de le désarmer -ne lui faisant pas de cadeau- et de décharger le pistolet. L’agent s’étant mis à crier « au voleur ! », Donatien dit s’être simplement assis à 20 mètres du véhicule, pour attendre… A son lieu de détention, il aurait reçu la visite de diverses personnalités dont les anciens ministres Bernard Lani Davo et Théophile N’Dah qui seraient passés le voir de la part du chef de l’Etat, lui auraient donné de l’argent (80 000, 200 000, 250 000)… Au colonel qui le malmenait du fait de son attitude, Donatien dit avoir servi que : « L’abus de pouvoir rend momentanément fort et éternellement faible. Ce que vous faites se retournera contre vous.» Applaudissements dans le fond du prétoire… Pour Donatien donc, tout ceci se résume en un « montage ». Et il prie la cour d’obtenir la restitution de ses portables gardés par ses bourreaux car ils contiendraient les enregistrements de ses conversations avec le colonel Koumasségbo.
Quand une suspension intervient autour de 13h30 et qu’on leur apporte à manger quelque temps après, les accusés préfèrent se contenter du sandwich qu’ils ont acquis par eux-mêmes auprès d’une vendeuse sur les lieux.

 

 

Retour au PV de Godomey

A la reprise de l’audience, à 14h40, Me Djogbénou et Me Théodore Zinflou formulent une demande : celle d’ordonner au commissariat de Godomey de mettre à la disposition de la cour, la main courante que certaines informations annoncent pour se retrouver en des mains autres que celles de la justice. Me Djogbénou donne lecture du PV dudit commissariat qui constate que l’accusé était bel et bien aux mains des forces de sécurité à la date du 16 août et que cela est déterminant dans la suite de la procédure. L’avocat général évoque une possible « erreur matérielle ». Ce que ne conçoivent pas les avocats de la défense et de la partie civile. Pour Me Djo-gbénou notamment, « l’erreur dans cette affaire, c’est d’avoir cru que les choses se passeraient comme l’on a prévu. L’altération de la vérité conduit toujours à l’altération des pièces. Et si l’on devrait tenir compte, extraordinairement d’une prétendue erreur, ce qui n’est pas envisageable, cette session sera renvoyée ». L’avocat général se veut rassurant, explique que les empreintes réclamées figurent bien au bas du PV en sa possession et l’exhibe. Puis assène que le commissaire concerné est cité comme témoin et qu’il faut patienter de l’écouter et de l’interroger. Les avocats en face sont dubitatifs et Me Zinfou laisse entendre que cela est faisable par n’importe quelle machine. Me Djogbénou l’appuie, soutient que si erreur il y avait eue, les auteurs du PV qui sont des agents publics, l’auraient bien mentionnée. Me Zinflou réclame que le président de céans obtienne les ordonnances d’autorisation d’inhumation collective de 2008 à 2015 parce qu’il lui est parvenu que dans la nuit du 3 au 4 novembre dernier, soit au jour de la dernière audience dans le cadre de ce procès, qu’il aurait été ordonné l’inhumation collective de 340 cadavres. Ce qui lui paraît suspect en cette période critique. Me Djogbénou réitère, sur le fondement de l’article 290 du Code de procédure pénale, qu’il soit requis un officier ou un huissier de justice à l’effet de récupérer auprès du commissariat de Godomey, la main courante visée. La cour y accède et annonce qu’il sera ordonné audit commissariat de produire la main courante à l’audience de ce jour 11 novembre. Me Djogbénou intervient pour une précision de pure forme, aux fins de faire préciser que c’est bien le président de la cour et non la cour elle-même qui ordonne. Le public se délecte. Félix Dossa, ordonne au procureur général d’accomplir les diligences subséquentes.

Donatien, un fieffé délinquant ?

Donatien Amoussou est rappelé à la barre. L’avocat général lui demande de parler du coup qu’ils avaient en projet à la SAGAM. Il semble perdre de son sang froid et martèle : « Le coup de SAGAM n’a rien à voir avec l’affaire Pierre Urbain Dangnivo. Les faits remontent à juin 2010 et j’avais effectivement été sollicité par un de mes chefs pour ce coup. J’ai procuré du Valium 5mg à Paul qui devait faire à manger aux agents de garde le jour envisagé. A la fin, j’ai renoncé à ce projet», raconte l’accusé. Il lui est rappelé qu’il allait braquer la SAGAM. Donatien explique qu’il ne s’agissait pas d’un braquage. Qu’il détenait une clé du coffre-fort, son supérieur Cissé Mama en détenait aussi une, et qu’aucun forfait ne pouvait être commis sans complicité d’un chef de la boîte. Et c’est parce que, les mois précédents, il aurait subi diverses épreuves (mort successive de son père, de son enfant puis de sa femme) qu’il aurait renoncé au projet. Ce qui provoqua sa brouille avec son chef. Mais pourquoi la police était-elle allée le chercher à la SAGAM, interroge l’avocat général. « C’est pour une affaire de bagarre entre un capitaine des douanes et moi et c’était en juillet 2010» répond Donatien. Il précise, par ailleurs, que dans la nuit du 17 août, il était de garde à la SAGAM, ce que les registres de la société peuvent prouver. Un alibi solide donc s’il s’avère. Car, ainsi, il ne pouvait pas être avec des acteurs d’un quelconque meurtre. Il soutient que le colonel Koumasségbo est l’auteur de ses malheurs, le même qui aurait laissé une décharge à Océan FM pour récupérer le portable zékédé qui serait celui de Dangnivo.

Les révélations et éclairages des experts

Dr Clément Padonou est le premier témoin à déposer. C’est lui qui a produit un rapport d’exhumation et d’autopsie d’un corps présumé d’un monsieur qui s’appellerait Dangnivo. Il dit avoir réalisé l’autopsie le 29 septembre et précise, sur demande de l’avocat général, que c’est après l’exhumation qu’on lui a présenté le sieur Alofa comme auteur du meurtre. « Celui-ci nous a ensuite confié un bocal que j’ai signalé dans mon rapport», ajoute-t-il. «Dans ce bocal, il y avait un cœur, un sexe mâle, un testicule, une oreille, une fraction de mâchoire, une langue, un liquide de conservation », précise Dr Padonou sur la question de Me Zinflou tout en indiquant, suite à une question de Me Magloire Yansunnu, n’avoir pas été « en mesure de déterminer la nature de ce liquide qui conservait les organes dans un état acceptable», et ajoutant que «le corps était en état de décomposition avancée qui ne permettait pas de déterminer les doigts, les orteils. Ma préoccupation était alors de pouvoir déterminer l’ADN et j’ai prélevé les organes qui pouvaient y aider, puis les ai mis à la disposition du médecin compétent que j’ai suggéré au procureur dès le départ, avant d’aller sur le terrain. C’est ce dernier qui peut dire si l’ADN extrait est conforme à celui des organes trouvés dans le bocal».
Par ailleurs, à la question de Me Djogbénou de savoir pourquoi, par la même technique ADN, on n’a pas cherché à savoir si le présumé assassin est bien celui qui a tué la victime et déposé son cadavre en ces lieux, le témoin répond que « le légiste ne pose pas de questions. Il répond aux questions » pour dire que cela ne lui a pas été demandé. Mieux, « lorsque le parquet m’a demandé de me joindre à l’expert français, j’ai opposé un non catégorique car je ne pouvais pas avoir été expert, puis me retrouver comme contre expert ». Sa déposition permet de savoir que la victime a été tuée dans des conditions probablement horribles: crâne et face fracturés, et que le scellé qui lui a été présenté par l’huissier pour le rapport était déjà rompu. Au total, « C’est une identification partielle que j’ai pu faire, puis ai suggéré un rapprochement ADN, et ne puis affirmer que c’est le corps de Dangnivo». Exclamations dans le prétoire qui se laisse aller à des rires nourris et félicite le médecin.
Au tour du professeur Anatole Lalèyè de déposer. Sur diverses questions, il renseigne qu’il a fait des prélèvements sur la dépouille, dans le bocal à lui présenter, et comparer les ADN. Mais que pour finaliser ce travail, il lui fallait aussi l’ADN de personnes apparentées. Ce qui ne fut malheureusement pas possible. Cependant, il atteste que « l’ADN extrait des organes du bocal correspond absolument à celui de la dépouille. C’est un ADN humain masculin ». Mais pourquoi n’avoir pas recherché l’ADN du tueur supposé pour établir le lien entre lui et ce cadavre alors que raisonnablement cela aurait dû être fait? «Telle n’était pas ma mission dans ce dossier», oppose l’expert. La défense et la partie civile s’étonnent que l’on n’ait pas envisagé cette recherche d’ADN à l’égard des suspects. Sur ce, le président Félix Dossa prononce la suspension de l’audience à 17h08. Elle reprend ce jour.
Toute la journée, pendant les dépositions, l’épouse de la victime supposée, dame Anne Cakpo paraissait préoccupée, prenait quelques notes de temps à autre.
Après les dépositions des deux accusés puis des deux experts, ce sera au tour des autres témoins d’être entendus. Et probablement d’être confrontés aux accusés.

Article écrit par Wilfried Léandre HOUNGBEDJI

La Nation du 11 novembre 2015


11/11/2015
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La lettre de Mgr Antoine Ganyé a Patrice Talon et Sébastien Adjavon

Cotonou, le 15 août 2015

A
Monsieur Patrice TALON et
Monsieur Sébastien AJAVON

Objet : Candidature des grands opérateurs économiques béninois à l’élection présidentielle de février 2016 en République du Bénin.

Chers Messieurs,
Nous avons eu des rumeurs persistantes selon lesquelles, Messieurs Patrice TALON et Sébastien AJAVON seraient tous deux candidats à l’élection présidentielle de février 2016. L’inquiétude que suscite l’importance de ces rumeurs et le caractère particulier qu’elles présentent nous ont amenés très vite et après mûres réflexions à cette correspondance solennelle que nous vous adressons.

Il va s’en dire et vous l’avez tous les deux à maintes reprises soutenu et démontré, que le secteur privé est un vecteur puissant de développement et la source de toute création de richesses et d’emplois. A ce titre et dans son rôle de principal acteur de l’économie, le secteur privé et le secteur public se côtoient, jouant chacun sa partition pour un développement harmonieux de l’ensemble de la Nation.

Notre pays le Bénin a connu des crises majeures dont vous avez tous deux été les victimes. Nous faisons référence aux affaires qui ont conduit Patrice TALON à un exil forcé hors du Bénin et au harcèlement fiscal dont a été victime Sébastien AJAVON.

Le Bénin doit résolument tourner le dos à ses crises et aller vers le développement et le bien- être de tous ses fils. En ce sens, le Bénin a besoin de ses grands opérateurs économiques que vous êtes chacun dans son domaine d’activités. Vous n’êtes pas sans savoir que le budget du Bénin est essentiellement fiscal, le pays a donc besoin de la contribution de vos entreprises pour assurer sa croissance. Vous êtes pour l’un Président du Patronat du Bénin et pour l’autre grand opérateur économique dans un secteur vital et source de revenus d’exportations importants pour le Bénin. Vous êtes donc les premiers représentants du secteur privé au Bénin.

Les secteurs privé et public sont deux secteurs en partenariat étroit dans une nation, et vous le constaterez de par le monde, les passages de l’un à l’autre statut sont perturbateurs pour le devenir d’une nation. C’est vrai que le Bénin a connu une période où les opérateurs économiques se sont sentis très oppressés par le pouvoir politique, mais cela demeure vraiment regrettable de voir des grands opérateurs économiques de notre pays laisser leur domaine d’intervention vital pour le développement du Bénin et vouloir se consacrer à la politique.

Les secteurs privé et public sont bien distincts, chacun dans ses prérogatives économiques et financières pour l’un, au service des intérêts publics pour l’autre. La candidature à la présidence de la république d’opérateur économique de votre dimension entraînera inéluctablement la méfiance des autres opérateurs économiques et pourrait avoir des effets très néfastes.

En effet, cette candidature pourrait être interprétée par les autres acteurs économiques comme une stratégie visant à s’approprier le pouvoir politique pour faire prospérer ses propres affaires et se faire droit, au détriment des autres opérateurs économiques. De plus, une telle candidature pourrait par réaction inciter d’autres opérateurs économiques à se lancer dans la course à la présidentielle provoquant une rivalité qui nuirait forcément aux intérêts du pays. Vos candidatures seront forcément considérées par la nation entière comme un règlement de comptes, animé par un sentiment de vengeance.

De plus une probable victoire aux présidentielles d’un opérateur économique va créer une psychose au niveau des opérateurs économiques qui n’auront pas milité pour l’élu et pourrait induire dans le pays de fortes tensions entretenues par le pouvoir financier des acteurs du secteur privé.

C’est pour toutes ces raisons que nous venons vous supplier, messieurs Patrice TALON et Sébastien AJAVON, de bien vouloir renoncer à présenter vos candidatures respectives à l’élection présidentielle de février 2016 pour le bien suprême de la nation béninoise.
Nous vous exhortons à continuer à jouer vos rôles d’acteurs majeurs et incontournables de la vie économique de notre pays et à œuvrer à la sensibilisation de vos pairs pour qu’ils n’abandonnent pas leur domaine d’intervention au profit de la politique. Vous devez continuer votre œuvre de construction d’une nation économiquement forte en apportant vos appuis éclairés au pouvoir politique qui doit assurer en retour son rôle régalien au service de la nation toute entière.

Nous restons dans l’attente de vos actes forts visant à œuvrer pour un pays apaisé.
Nous vous assurons de nos prières et de notre bénédiction.

Que l’accompagnement du Seigneur guide vos réflexions et vos pas.

Mgr Antoine GANYE

Archevêque de Cotonou

Président de la Conférence Épiscopale du Bénin


07/09/2015
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Ligne Cotonou-Abidjan : « Vincent Bolloré est en train d’essayer de nous voler », dénonce Rocard

Par Joan Tilouine et Serge Michel

LE MONDE Le 03.09.2015 à 11h32 • Mis à jour le 03.09.2015 à 20h58

 

L’ancien premier ministre Michel Rocard reçoit dans son bureau enfumé, au 6e étage d’un immeuble haussmannien, non loin de l’Arc de Triomphe à Paris. « Je suis déclaré guéri du cancer depuis un mois. Epargnez-moi vos commisérations, mais j’ai trois mois de retard dans mon travail, donc je bosse », lâche d’emblée l’ancien premier ministre âgé de 85 ans, qui revient aussi d’une croisière dans l’Arctique.

Parmi les dossiers qui s’accumulent sur son bureau boisé, la question des pôles, le canal Seine-Nord, et un autre qu’il chérit et pilote depuis une vingtaine d’années « par passion et par devoir », dit-il : la boucle ferroviaire Cotonou-Abidjan. Ce projet de 3 000 km de chemin de fer est actuellement mis en œuvre par le groupe Bolloré et a fait l’objet d’une série d’été dans ces colonnes.

Dans un entretien accordé au Monde, Vincent Bolloré avait d’ailleurs expliqué : « C’est Michel Rocard qui m’en a parlé le premier. » Mais aujourd’hui, Michel Rocard s’estime trahi par celui qui l’a autrefois soutenu et qu’il avait pourtant sollicité pour ce projet : « Vincent Bolloré est en train d’essayer de nous voler », dit-il.

« Nous », c’est Africarail, une structure désargentée avec un petit bureau à Niamey dont il est le président d’honneur. A l’origine d’Africarail, il y a Michel Bosio, un expert ferroviaire qui exhume au début des années 1990 un vieux projet colonial. « M. Bosio débarque dans mon bureau du parlement européen et me présente ce projet d’interconnexion ferroviaire, cartes à l’appui. Je suis tout de suite fasciné, se souvient Michel Rocard alors président de la commission de la coopération et du développement au Parlement européen (1997-1999). Cette idée est pour moi la clé absolue de la restructuration de ces Etats, à près de 1 000 km des côtes et l’enjeu est énorme, quasi civilisationnel. »

Sans attendre, il ne cesse d’en parler à son entourage, comme à son ami Samuel Pisar, l’un des plus jeunes survivants de la Shoah, décédé cet été, qui le met en relation avec le président de la Banque mondiale, James Wolfensohn. Ce dernier lui conseille de se tourner vers l’antenne bruxelloise de l’institution. Mais tout comme à Paris, ses interlocuteurs restent circonspects et ne le soutiennent pas.

Pas de quoi décourager Michel Bosio. Au milieu des années 1990, sans un sou, il crée Geftarail, un bureau d’études qui présente un projet de boucle d’interconnexions ferroviaires reliant Cotonou à Ouagadougou via Niamey. La ligne Ouagadougou - Abidjan existe déjà et vient d’être privatisée.

Elle est opérée par Bolloré depuis 1994. Geftarail se prévaut du soutien de l’ONU, de l’Union européenne et de l’Union africaine pour signer avec les Etats concernés un protocole d’accord ratifié en 1999. Ensemble, ils créent Africarail SA, dont le modeste capital est détenu à 90 % par Geftarail, le reste par le Niger, le Burkina Faso, le Bénin et le Togo. Reste le plus dur : trouver les fonds nécessaires à la construction, évalués entre 5 et 10 milliards de dollars.

Là encore, Michel Rocard va mobiliser son carnet d’adresses et fait appel à Vincent Bolloré qui soutient déjà sa petite entreprise de capital-risque, Afrique Initiatives, créée en juin 1999. Un mois plus tard, le 6 juillet, Rocard organise une rencontre entre Vincent Bolloré, entouré de son état-major, et Geftarail. Devant le projet, Vincent Bolloré émet des « craintes sur le plan de financement du plan Geftarail et pense qu’il n’y aura pas assez de trafic pour rentabiliser l’ensemble », selon un compte rendu de la réunion.

Dans son appartement parisien, Michel Rocard sort une carte d’un tiroir et scrute ces contrées sahéliennes. Ses doigts glissent le long du tracé de la ligne ferroviaire et s’arrêtent sur un point rouge situé à 40 km au sud-est de Niamey. « On sait que là, il y a le gisement de fer de Say-Kolo en plus de du manganèse, du phosphate, du gaz, du pétrole et de l’uranium au nord », dit-il.

L’ancien premier ministre socialiste soulève l’enjeu central de ce projet ferroviaire : le transport du minerai, seul moyen de rentabiliser des investissements colossaux, avec notamment la mine de manganèse de Tambao, au Burkina. Selon des études du Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM), consultées par Le Monde, le gisement de Say-Kolo renferme 1,215 milliard de tonnes de fer d’une teneur de 44,9 %. Soit près de la moitié de la plus grande réserve de fer non exploitée au monde, le gisement reculé de Simandou, au sud-est de la Guinée. « Tout ce projet de boucle ferroviaire peut reposer sur cette mine », estime de son côté Michel Bosio, qui voit là l’une des raisons de l’entrée de la Chine dans le jeu.

À compter de 2008, des entreprises chinoises approchent Africarail et les Etats. En lien avec le fils du président Mamadou Tandja, attaché commercial à l’ambassade du Niger à Pékin, réputé pour ses pratiques douteuses et étroitement surveillé par les services de renseignement français, trois grands groupes chinois proposent un deal « minerais contre infrastructure ». C’est ainsi que la China State Construction and Engineering, puis Sinohydro et enfin China Tiesiju Civil Engineering Group, multiplient les missives et les propositions de financement à travers le fonds de développement Chine-Afrique ou China Eximbank, la banque d’import-export de l’Etat chinois.

Cette fois, Africarail alerte l’Elysée. Mamadou Tandja sera renversé par un coup d’Etat en février 2010 et le rêve chinois d’emprise sur le rail est balayé. « Leur objectif était clair, à mon sens : mettre la main sur Areva. Soudainement la France s’est réveillée », insiste Michel Rocard qui continue, les années suivantes, à tenter de mobiliser des grands groupes industriels français, comme Eramet, Vinci, et toujours Bolloré.

En 2011, il semble avoir convaincu le ministre de l’industrie, Eric Besson, qui soutient la création d’un consortium de bailleurs et d’investisseurs. Les grands industriels répondent présents, mais également l’Agence française de développement, la SNCF et la république du Niger lors d’une réunion à l’été de cette année-là. Un comité de pilotage stratégique ferroviaire et minier est décidé. Michel Rocard le préside. Mais le projet stagne. Puis ses « amis » socialistes arrivent au pouvoir. On lui conseille de se tourner vers Arnaud Montebourg.

Le ministre du redressement productif s’enthousiasme pour ce projet, insiste pour que les locomotives et les traverses soient « made in France ». Sauf que le 7 août 2012, il prend l’initiative d’écrire aux chefs d’Etat du Bénin, du Niger, du Burkina Faso et de la Côte d’Ivoire pour apporter le soutien de la France… au projet de Bolloré, qui a entre-temps changé d’avis sur l’intérêt économique de la grande boucle, fasciné, dit-on, par le potentiel de la mine de Tambao.

Quand Vincent Bolloré informe fin 2012 Michel Rocard de son ambition de démarrer seul les travaux de la boucle ferroviaire, ce dernier dit avoir rétorqué : « Mais il y a des aspects légaux considérables, ces Etats se sont engagés et ont signé des accords avec Africarail ». Par la suite, l’industriel breton aurait cessé de répondre aux lettres et aux relances de l’ancien premier ministre. Sollicité par Le Monde, Vincent Bolloré fait pourtant savoir toute « l’affection et l’admiration » qu’il porte à Michel Rocard.

« Avec Hollande, on se connaît bien, depuis quarante ans »

Mais comme pour d’autres projets sur le tracé ferroviaire, il renvoie la responsabilité aux Etats : « On sait que Michel Rocard dit avoir des droits au travers d’une société, dit-il. C’est possible et il y en a d’autres dans le même cas. Mais le Bénin et le Niger nous ont demandé de faire une ligne que personne d’autre n’était prêt à financer. Nous avons bien précisé contractuellement dans les accords que les Etats faisaient leur affaire de droits antérieurs qu’ils auraient pu accorder à des tiers. »

Le président du Niger, Mahamadou Issoufou, auquel Michel Rocard avait rendu visite lorsqu’il était autrefois un opposant en résidence surveillée, cesse aussi de répondre à ses missives. Alors Michel Rocard se réjouit d’avoir informé François Hollande des contentieux légaux autour de la boucle ferroviaire en amont du déplacement du chef de l’Etat à Cotonou le 1er juillet.

« Avec Hollande, on se connaît bien, depuis quarante ans », glisse-t-il. Il n’empêche, le chef d’Etat nigérien et son homologue béninois ont finalement signé la concession ferroviaire avec le groupe Bolloré le 13 août. Et Africarail, dont le président d’honneur est Michel Rocard, découvre l’existence d’Africa Rail Innovation, la nouvelle société du groupe Bolloré, créée en juin 2015, pour centraliser la gestion des opérateurs de chemin de fer camerounais Camrail, et ivoiro-burkinabé Sitarail, dont la nouvelle concession devrait être signée la deuxième semaine de septembre. Sur le nom de cette nouvelle société, le groupe Bolloré reconnaît « une maladresse » et affirme que le changement de dénomination est en cours.

Amer, Michel Bosio a déposé le 19 août 2015 une plainte au pôle financier, non pas contre le groupe Bolloré, mais contre l’Etat français. Pour Michel Rocard, « la grande boucle ferroviaire est un projet à hauteur de la France, de l’Europe. S’il n’est pas question de le réaliser sans Bolloré, il faut qu’il comprenne qu’il doit respecter le droit. Et qu’il ne peut pas le mener à bien seul ».

 


04/09/2015
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24/08/2015
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